jeudi 13 mars 2014

Dur de s’imaginer l’enfer lorsque l’on est au paradis…



Un siècle après, nous avons surement l’air bien ridicule avec nos équipements d’aventuriers. « Short ou collant ? », « Des gels ? J’en prends 5 ou 6 ?! », « T’as pas peur d’avoir trop chaud avec tes bas de compression ? »… Mais voilà, 100 ans se sont écoulés, le courage, la bravoure le patriotisme ont mué. Il n’est plus désormais question de donner sa vie pour la patrie, un impôt devrait suffire ! Les luttes ne sont plus les mêmes (et fort heureusement d’ailleurs), nous ne combattons plus d’envahisseur.

L’époque a changé, l’adversité ne nous pousse plus dans nos derniers retranchements alors nos limites nous cherchons à les toucher. Et finalement, nos prouesses d’un jour sont pourtant si loin, de leurs vaillances passées…

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Dans ce contexte, il est bien difficile d’imaginer comment rendre le plus bel hommage possible à ces milliers de sacrifiés… Alors voilà, un énorme merci aux organisateurs de ce Trail des Poilus 2014 qui ont conçu une épreuve grandiose dans des lieux chargés d’histoire. En tout point, ce fut une réussite. Il ne restait plus qu’aux 1 900 sportifs de faire leur part du boulot…

Pour ma part, celle de Gus et de 5 autres membres du Team (Freddy, Jef, Jérôme, Laurent et Ludo W.), c’est dans un décor rendant hommage à une autre époque que le départ des 50 km a été donné.

Le cadre du château d’Olhain est l’une des dernières trouvailles des organisateurs qui donnent, depuis la précédente édition, encore un peu plus de cachet au cérémonial de départ.

Les conditions climatiques exceptionnelles de ces derniers jours ont largement amélioré l’état d’un terrain qui moins d’une semaine auparavant ne présageait pas de nous épargner… Alors qu’est ce que l’on attend maintenant ?! A L’ASSAUT !!

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Sur les coups de 9 heures, tout le monde se réunit dans et autour de l'édifice. Habitant à moins de 2 kilomètres des lieux, je prends pour la première fois le temps de les explorer (un grand merci aux actuels propriétaires pour la confiance qu'ils nous accordent). Pas le temps de lézarder trop longtemps car le chef de meute rappelle ses ouaïlles derrière la ligne de départ.

A peine le décompte est terminé que notre petit groupe explose ! Gus, Freddy et Ludo W. lâchent les chevaux et partent à l’assaut de l’ennemi en première ligne… Suivent Jef, Laurent et Jérôme qui feront, quant à eux un bon bout de chemin ensemble. Quant à moi, je ferme la marche trop occupé, d’une part à tenter d’immortaliser tous ces moments et, d’autre part, à chercher de l’air, une nouvelle fois victime de mes incompréhensibles surrégimes cardiaques. Alors il n’y a plus qu’à attendre tranquillement que tout rentre dans l’ordre avant d’envisager accélérer…

Le problème est que la longue mise en jambe « quasiment ennuyeuse » de 2012 a laissé place à une nouvelle portion privée aussi technique que magnifique. C’est indéniable, les qualités de traceurs de Jacky Clément et son équipe font encore une fois merveille ! Cette première portion sauvage a l’avantage d’échauffer efficacement les troupes avant d’entamer le premier secteur caractéristique de la forêt domaniale d’Olhain.

Longue d’une quinzaine de kilomètres, cette portion apparaît à postériori plutôt roulante malgré les très nombreuses côtes et raidillons qui y sont parsemés. C’est sur les premiers kilomètres de ce secteur que je recolle les 3 inséparables :
- Jef semble déjà sur la défensive et redoute d’aggraver trop rapidement les prémices d’une pubalgie ;
- Jérôme rêve déjà à ses navettes pâté-cornichon ;
- et Laurent, quant à lui, tente de nous refiler des Lysopaïnes…
On trouve tout de même le temps de prendre deux ou trois poses avant que nos chemins se séparent.

Les kilomètres qui suivent pourraient être fait les yeux fermés tellement ils me sont familiers. En ce beau matin, une seule chose diffère : il y a du trafic sur les sentiers ! Aux environs du 17e km, au sommet d’une énième côte, trop occupé à cadrer mes photos, je passe à côté de Ludo W. sans même m’en rendre compte. Lui est en plein changement de chaussures avec l’aide de son assistance mobile qui le suivra et le soutiendra tout au long des 50 km.

La fin du secteur a été complètement repensée pour très certainement plusieurs raisons :
- les travaux sylvicoles qui obstruent encore une partie du parcours sur les hauteurs de Barlin ;
- supprimer la portion plane et peu passionnante le long du centre d’enfouissement ;
- mais aussi et surtout, faire découvrir le hameau esseulé et très rural de Bracquencourt. Ce bourg a d’original le fait de former un cercle duquel il n’existe qu’une issue.

Enfin, ce dernier point ne vaut que pour les voitures, puisqu’après avoir sinué sur le bien nommé « Chemin des morts », nous nous éclipsons de ces lieux par un chemin d’abord large puis de plus en plus étroit et ombragé à mesure que nous gagnions les hauteurs d’Hersin-Coupigny... A l'approche du centre aéré, je suis surpris par le calme qui règne, d'après moi le ravitaillement doit être à moins de 200 mètres mais pas un bruit ?! Une fois arrivé dans la plaine, à mon grand étonnement, il n'y a pas âme qui vive !! Bon bah ce n'est pas pour maintenant que l'on pourra se reposer... Fort heureusement, la délivrance apparaît un petit kilomètre plus loin.

Nouvelle originalité 2014, ce premier ravitaillement a quitté le site un peu austère du centre aéré d'Hersin pour prendre place dans un cadre plus bucolique, celui des étangs de la Claire Fontaine. Une belle ambiance règne en ces lieux. A ma grande surprise, j'y retrouve un Freddy pas au mieux physiquement se plaignant du dos... Courir avec un sac est une nouveauté pour lui et le corps n'apprécie pas ! Nous discutons un peu, chacun donne des nouvelles de ceux qu'il a croisé. Un seul n'a pas donné signe de vie : Gus ! On s'accorde tous les deux pour dire qu'il est probablement parti sur des bases supersoniques (il a en fait 12 minutes d'avance à cet instant)... Au moment de quitter les lieux, Ludo W. arrive toujours accompagné de son Team perso.
2 ou 3 mots et nous nous quittons, cette fois-ci, pour de bon. Au moment de quitter le ravito, Freddy est pointé 132e et moi 143e.

Cela fait bientôt près de 3h que nous courons, mais c'est maintenant que la course commence réellement. Alors direction Bouvigny par une nouvelle portion privée, afin d'attaquer la première vraie partie très technique arpentant dans un premier temps les terres du collège puis ensuite des coteaux privés en surplomb de la commune. Sur ce secteur nous faisons longuement le yo-yo avec Freddy.

Ici, le terrain se corse terriblement, avec l'attaque des premiers vrai murs. En même temps que je me traine au sommet, je commence à me dire que le final va t-être un véritable calvaire ! Je me dis également qu'en 2 ans, j'ai réellement l'impression d'avoir régressé puisque je commence déjà à être dans le dur à peine la mi-course franchie. Enfin, je relativise rapidement ce constat quelques hectomètres plus loin lorsque je porte assistance à un coureur, qui pourtant très loin du but, est déjà perclus de crampes ! Freddy en profite pour me rejoindre. Un nouveau petit bout de route ensemble, de nouveau l'on s'accroche à ce que l'on peut pour avancer. Malgré le beau temps des derniers jours, quelques portions demeurent tout de même encore bien grasses ! Quel enfer cela aurai pu être...


Nous clôturons le secteur de Bouvigny par la fameuse montée du sentier de l'arbre couché et récupérons, par la même, le parcours clôturant la course du 26 km. Ce sera ici, l'un des passages les plus compliqué à gérer. L'armada de coureur déjà passée a littéralement labouré, malaxé le sol encore bien humide de cette portion pour nous offrir finalement une mixture onctueuse et collante à souhait. J'y suis scotché, pas moyen de monter rapidement, tel un zombie je progresse sans lever la tête. Juste concentré sur la recherche d'une hypothétique trajectoire idéale...

Enfin arrivé péniblement au sommet, les organisateurs nous proposent une nouvelle petite variante de 2012, qui nous rajoute encore un peu plus de distance mais aussi et surtout un peu plus de macadam. Ce qui me fait rager habituellement, n'est finalement pas si déplaisant ! La sensation d'avoir des appuis stables et de progresser à plus de 10km/h, je l'avais presque oublié ! Mais bon ça ne dure jamais longtemps... Et maintenant, place au mythe, et au chemin à cailloux ! Il est clair que sur les premiers hectomètres, ce chemin n'a jamais si bien porté son nom... Des briques, des cailloux, des racines, impossible de courir en ligne droite. Qu'il est douloureux d'y progresser quand les jambes s'y font lourdes et le pas moins alerte... La suite est clairement, beaucoup mois traumatisante, pour les articulations, puisque les intempéries des mois passés n'ont pas eu le temps suffisant pour en disparaître complètement. Un coureur peu à l'aise dans ces conditions me bouchonne pendant ce petit kilomètre d'histoire : rageant !

La sortie de la tranchée se fait en prenant à nouveau un peu de hauteur en direction du Bois de Mont, une belle petite boucle à travers des terrains privés qui se conclu par le tour d'une maisonnée (j'en profite pour remercier les propriétaires présents à chaque édition et qui sont d'une contagieuse bonne humeur : photo) et nous replongeons vers le chemin à cailloux que nous enjambons cette fois, bien aidés par le sérieux coup de jeune donné par les organisateurs à cet ouvrage d'art.

Un peu moins de deux kilomètres plus loin, nous voici arrivés au second ravitaillement. Les sensations sont depuis bien longtemps très mauvaises, le sucré me dégoûte. Alors je cherche désespérément, du salé sur ces tables pourtant bien garnies... Une gentille dame vient finalement exaucer mon voeux en me tendant un morceau de sandwich au pâté ! J'aurai plus envisagé des biscuits apéro mais bon ce sera finalement très bien ! Freddy me rejoint et, pas plus frais que moi, opte pour la même option culinaire... Ca ne sent pas la gagne tout ça ! Mixé à deux verres de coca, ce cocktail n'est pas le meilleur atout pour la grimpette qui s'annonce... Je quitte les lieux en 109e position. Je ne sais pas réellement le temps que nous avons passé sur place, mais une chose est certaine, il aura fallu doubler de nouveau de nombreuses têtes déjà connues dans les kilomètres qui suivirent...

De ces kilomètres parlons-en justement ! Depuis 2010, ce final a déjà fait largement parler de lui. Que l'on ai 10, 20 ou 40 kilomètres dans les pattes : l'on y adopte à peu près tous le même style en tentant d'entrecouper un maximum nos longues phases de marche et d'escalade de quelques tentatives de trot. L'esprit malin, toujours en éveille, des concepteurs de cette torture finale, les amène à pimenter chaque édition de nouvelles portions improbables. Pour 2014, la magnifique descente de la Vallée Chaufour se voit désormais agrémentée d'une nouvelle grimpette casse-pattes fraîchement débroussaillée. Tandis que, l'ultime remontée d'Ablain vers Lorette nous gratifie désormais d'un nouveau mur et de son passage de corde.

Autant dire qu'au cours de ce final interminable, à mesure que les forces me quittaient, je maudissais toujours plus virulemment M. Clément et sa bande de doux dingues. Que ce soit :
- dans l'ascension du Mont Goudinon,

 - dans la séance de corde du Bois de l'Abbé,


- pendant la séance de varappe en surplomb du Saint Nazaire,


 - et pendant toutes les autres ascensions jalonant ces derniers kilomètres mais au-cours desquelles je n'avais plus la lucidité suffisante pour me laisser porter par un quelconque élan artistique.

La succession des efforts me rends las. Il est clair que la principale difficulté de ce parcours réside dans les constants changement de rythme sur un terrain rarement roulant. Même en partant à l'économie, il est difficile de ne pas subir dans le dédale final !

Arrivé, au dernier ravitaillement, malgré à peine 4 kilomètres restant à couvrir, je m'effondre physiquement. Je bois un verre, puis deux. Je reste scotché devant la table à discuter avec les bénévoles présents et sous les yeux de nombreux badauds profitant du soleil. Je rencontre toutes les difficultés du monde à me relancer alors, qu'au même moment, plusieurs concurrents ne prennent même pas le temps de s'arrêter.

Ce final ne sera qu'un long chemin de croix, que je ferai en compagnie d'un coureur côtoyé depuis le 15e kilomètre. Nous nous encourageons mutuellement. Lui me pousse dans les montées et je tente de le tirer sur le plat et en descente (enfin, si l'on peut dire !). A plusieurs reprises, je suis contraint de stopper ma progression dans les derniers raidillons, afin de reprendre mon souffle et tenter de "refroidir" les deux galets me servant désormais de quadriceps.

Que je la haie, cette portion longeant la Blanche Voie où la succession de montées-descentes ne semblent être là que pour assouvir les désirs masochistes de quelques uns. En 2012, cette portion avait déjà suscité en moi une haine profonde (mais éphémère), pour 2014, je n'ose même plus retranscrire les idées ayant traversé mon cerveau en hypoxie !

Mais bientôt, tout ça ne sera que lointain souvenir puisque nous attaquons désormais l'ultime portion à travers champs où je sème (on dirait presque que je cours vite !) définitivement mon compagnon de route. La délivrance est proche. Les cris du public se font désormais clairs. Il n'y plus qu'à se hisser au sommet de la dernière difficulté, encouragé par une foule nombreuse et enthousiaste en tentant de ne pas paraître trop marqué. Peines perdues pour mon cas, puisque ma pâleur parle plus que tout le reste !

Arrivé sur les derniers mètres de pente, la ferveur de tout ce monde présent et un p'ti clin d'oeil au fiston parviennent un instant à me faire occulter la douleur. Comme par miracle je parviens à dérouler une foulée presque aérienne (presque), jusqu'à une dizaine de mètre de la ligne où je me cale finalement sagement derrière un père franchissant la ligne avec son fils... Ca y est, c'est fait !

Epuisé mais heureux je m'écroule sur les pelouses. Le personnel de la Croix Rouge, inquiet de mon état, vient plusieurs fois à mon chevet... je suis contraint de leur prouver que malgré ma tête finalement tout ne va pas si mal ! Rapidement, nous nous regroupons avec Gus et Freddy et c'est parti pour le débrief.



Les (innombrables) plus :
 - Une organisation quasi parfaite (impossible de juger le système de navette que je n'ai pas utilisé) ;
 - Une ambiance excellente (coureurs, organisateurs, bénévoles) ;
 - Un parcours chaque année plus beau et difficile (un énorme ++ pour le nouveau secteur de Fresnicourt) ;
 - Des résultats quasi instantanés ;
 - Une veste souvenir super sympa.
Les moins :
 - Pas de musique au moment du départ (c'était top en 2012 !)
 - Un manque de salé aux ravitaillements.


Ah oui, j'oublié : voici le reste des photos de cette belle ballade du dimanche : ici.
MERCI POUR TOUTES CES DOULEURS !!

Classement du Team sur le 50 km :
 - Guillaume Georges : 6h17 (81e) ;
 - Nicolas Georges : 6h25 (92e) ;
 - Freddy Derycke : 6h29 (102e) ;
 - Ludovic Weppe : 7h14 (238e) ;
 - Jérôme Loridan : 7h17 (255e) ;
 - Laurent Philipson : 7h27 (281e) ;
 - Jean-François Venel : 7h38 (316e).

Classement du Team sur le 26 km :
 - Eric Pouilly : 2h57 (116e) ;
 - Ludovic Thellier : 3h10 (190e) ;
 - Deliers Vincent : 3h24 (297e) ;
 - Bar Eddy : 3h34 (368e).