mardi 30 avril 2013

Avec une pointe d'accent...

La voilà enfin... Cela fait 5 mois qu'elle nous fait courir ! Dès le 6 décembre 2012, sans même un échauffement, alors même que je ne mets plus un pied devant l'autre depuis plusieurs mois, il a pourtant fallu être à l'affût et sprinter afin d'obtenir l'un de ces précieux sésames ! Bon ce que l'histoire se cache bien de préciser c'est que j'avais préféré mandater le frère pour cette basse besogne. Peut-être par crainte de craquer mentalement avant le clic fatidique ?!

Toujours est-il que lui n'a pas failli à sa tâche et c'est donc contraint, forcé, voire un peu volontaire et masochiste que je débarque dans la Province du Luxembourg en ce vendredi 26 avril brumeux et pluvieux. Un temps à ne pas mettre un trailer dehors, non, non, mais plutôt plusieurs centaines...


A peine arrivé que l'on ne s'est jamais autant senti chez soi (aucun rapport avec le temps...), que des têtes plus ou moins connues (Ablain, Bully, la Confrérie, la CCCie). On attaque à la bière ce que l'on terminera à la bière... Au moment du retrait de dossard, juste un nom suffit, pas besoin de présenter un certificat médical ou une carte d'identité ?! Il me plaise toujours plus ces belges avec leur mentalité faisant encore la part belle au sens civique et à la probité.

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Samedi 27 avril, après une nuit sedanaise revigorante, nous voilà à nouveau sur les coups de 7h30 de retour en terres wallonne. Le temps, pour nous, de prendre doucement la température des lieux et de goûter à cette atmosphère qui commence doucement à s'échauffer...


On en profite pour entrer parmi les premiers au coeur du somptueux château-fort et en explorer, curieux, les moindres recoins. Une nouvelle fois, une telle liberté me laisse admiratif... La bêtise n'aurait-elle pas franchie la frontière pour que l'on laisse si facilement accessible de tels lieux ?

8h30, l'heure du briefing. La télévision, les annonces bilingues, l'allure de nos camarades de jeux nous font dire que cela va probablement être costaud. Alors, dans le doute nous choisissons l'option "frileux", avec un départ dans les abysses du peloton. Même si le chrono ne se déclenche qu'à la sortie du château, au moment où nous nous extirpons enfin des coursives, les premiers sont déjà sur les bords de la Semois... Pas la même planète.

A peine 1 kilomètre de parcouru que nous sommes arrêtés. Patiemment, il nous faut attendre notre tour sur les bords de la Semois, avant d'attaquer la première réjouissance. Derrière nous, pas plus d'une vingtaine de coureurs (soit au minimum 450 coureurs devant), peut-être un peu trop prudent le départ non ?

Pour nous commence donc une très très longue partie de "Pac-man". Le premier niveau qui doit nous mener jusqu'au village de Corbion nous permet déjà de regagner plusieurs dizaines de places en maintenant une petite foulée sur la majeure partie de l'ascension. Nous évitons soigneusement d'être touchés par les "fantômes" et leurs bâtons acérés et trop souvent mal maîtrisés... Les sentes sont heureusement plutôt larges et praticables...

A la faveur de ces premiers kilomètres plutôt roulants, le corps s'adapte tranquillement à la fraîcheur annoncée et redoutée. Et nous permet d'attaquer enfin bien chaud le premier secteur caractéristique : après la traversée du village de Corbion, nous entamons les premiers monotraces. Toujours le même plaisir de serpenter sur de telles portions. Même à notre petit rythme, on parvient à s'y amuser tant le terrain est technique. Nous sommes désormais bien chauds, place donc aux mythiques crêtes de Frahan : d'imposants massifs rocheux desquels on bénéficie de magnifiques points de vue. Des points de vue que l'on peut, d'ailleurs, d'autant apprécier que l'on y est arrêtés... Ca bouchonne sérieusement alors que nous avons pourtant déjà couverts une bonne dizaine de kilomètres. Ajouté à cela, le fait que je manque de peu de me faire empaler par une concurrente utilisant ses bâtons comme Luke Skywalker son sabre laser... On se dit qu'il va peut-être falloir accélérer pour éviter de trop nombreuses frustrations ! D'ailleurs, à ce petit rythme, on en vient presque à s'inquiéter pour la barrière horaire... Heureusement, une fois redescendus de notre promontoire, nous sommes vite rassurés par notre arrivée au coeur de Frahan et de son premier ravitaillement.


Un verre de coca, des raisins secs et ça repart... Après avoir franchi pour la première fois la Semois (351e et 352e places), nous voilà engagés sur un superbe monotrace s'élevant d'abord tranquillement. Des ponts, plus ou moins bringuebalants, des passages de rochers, une végétation luxuriante, le tout avec les méandres de la Semois en fond. Quel bonheur !
A la faveur d'une épingle à droite la pente s'élève brusquement, personne ne songe à trottiner... Notre bon rythme de marche nous permets de passer toutefois plusieurs coureurs, parmi lesquels le fameux "Frère Tuck" et sa non moins fameuse soutane. Je profite de l'instant, puisqu'il y a fort à parier que ce sera pour moi la première et dernière fois de ma vie que je croiserai un moine en boosters...

L'esprit léger et vagabond, nous atteignons les hauteurs de Rochehaut pour un bref instant avant de replonger sans transition sur des sentiers roulants jusqu'aux bords de la Semois et attaquer ainsi de son pied la plus longue "grimpette" de la journée (nous ne le serons qu'après) : 230 D+ en 2,6 km. La pente est suffisante pour nous obliger à marcher mais pas pour nous empêcher de nous ravitailler et discuter. Nous voici ainsi arrivés, sans trop nous en rendre compte, au point culminant du parcours avec ses 432 mètres. Cet endroit marque également le début de la portion la moins passionnante et forcement la plus roulante du parcours.


Une bonne dizaine de kilomètres à sinuer sur des chemins, tantôt herbeux, tantôt boueux, tantôt caillouteux. Il n'en faut pas plus à Gus pour qu'il commence à généreusement allonger la foulée. Pas évident de suivre, d'autant que régulièrement, je me fais bouchonner par des groupes que lui parvient à doubler un peu trop sauvagement pour mes capacités du jour. D'autant plus que je sais pertinemment que je commencerai à lutter bien avant lui... Le constat est évident : nous sommes clairement plus au même niveau, alors pas évident de faire course commune ! Les nombreux faux-plats descendants permettent, toutefois, à mes grandes jambes de faire illusion encore un moment. Après quelques kilomètres dans le dur, la forme revient et je parviens à suivre le rythme sans difficultés et allonger, à mon tour, la foulée... pour le moment.


Au 30e kilomètre, après avoir traversé le pittoresque village de Cornimont, le terrain de jeu se fait à nouveau plus technique. Malheureusement, à plusieurs reprises des concurrents un peu "perso", nous contraindrons à leur lécher les chaussettes pendant de longues minutes. Dans mon cas, avec une cheville droite en carton, il n'est pas question de tenter des dépassements suicidaires, alors Gus se morfond. On patiente, en file indienne. De temps et en temps une furtive envie de meurtre me traverse l'esprit. Je sais aujourd'hui pourquoi je n'utilise pas de bâtons...  Je sais aussi que la technique Pac-man a son revers et que partir très prudemment n'est pas toujours la solution miracle. On ne peut s'en prendre qu'à nous-mêmes !

Malgré tout à notre arrivée au second ravitaillement situé au coeur de Mouzaive, notre classement a fait un sacré bond : 266e et 267e... Y'a du mieux !

Le temps de recharger la poche d'eau et on attaque une nouvelle très belle côte sur des chemins larges. Nous dépassons à la marche beaucoup de concurrents, cela finit par m'inquiéter puisque j'ai toujours bien en tête ce qui nous a été expliqué la veille : "Au 30e ? Il vous restera les deux-tiers ! Les difficultés arrivent...". Pas franchement rassurant ! Mouai, bon, de mon côté, je me motive plutôt en me disant que tout se qui est pris n'est plus à prendre...

Après, un très bref passage sur la commune d'Alle. Les montagnes russes débutent, d'abord plutôt sages sur des chemins larges. Notre très bon rythme de marche fait toujours son petit effet, les dépassements s'enchaînent. Malgré tout, Gus me motive de plus en plus régulièrement à reprendre un petit trot dans les faibles pourcentages de pente. J'accepte de bonne grâce mais je me doute que tôt ou tard ça ne passera plus... L'écart entre nous deux commencent doucement à s'accentuer et je ne préfère pas tenter le diable pour le combler. A de nombreuses reprises, il lève le pied pour que je le rejoigne et tente d'entamer une conversation que j'ai un peu plus de mal à entretenir. L'état de forme est encore passable mais je préfère me préserver...

Bientôt un sympathique trailer bullygeois nous rejoint. Nous ferons (ou plutôt "ils feront") route commune pendant de nombreux kilomètres. Pendant que les deux touristes qui me précèdent parlent de la pluie et du beau temps, je reste silencieux dans leur sillage. Entre deux, ils prennent tout de même le temps de s'enquérir de mon état de forme : "Ca commence à piquer !".
Le 39e kilomètre approche, voilà donc le dernier ravitaillement en solide. Je suis impatient d'ingurgiter enfin un peu de salé, le sucré commençant sérieusement à m'écoeurer. Afin d'éviter les mélanges, malgré une sensation de faim je préfère ne pas reprendre de pâte de fruit... Sauf, que ce que nous n'avions pas prévu c'est que le ravitaillement se situerai finalement au 44e km, avec en guise d'animation pour nous faire patienter, de magnifiques monotraces serpentant en surplomb de la Semois. Malgré sa beauté, cet imprévu me met un bon coup au moral, je maintiens malgré tout un rythme correct afin de garder en vue les deux comparses...

C'est une fois arrivé au plus bas, au bord de l'eau, que je prends véritablement un coup de bambou... Gus est obligé de quitter son nouveau compagnon afin que je puisse recoller. Le terrain a beau être plat, je suis contraint de marcher quasiment jusqu'au ravitaillement.

Ici à Frahan, au pied du fameux "Wall", on décide (ou plutôt "je") de prendre le temps. Des biscuits apéros par poignées entières, plusieurs verres de coca, les sourires des bénévoles, ça y est je crois que c'est fini, je suis au paradis...

...Enfin presque, revenons donc au concret : Il n'y aurait pas une kiné qui traine dans le coin par hasard ?! Quoi, à l'arrivée ?! Pardon, dans combien ?! Un wall ?! 150 D+ ?! Echelles ?! Trop d'information tue l'information, alors je fais le vide (je n'ai pas trop de mal pour ça...) et je repars un peu trainé par le frangin. Pas mal des concurrents si chèrement dépassés nous ont grillés à nouveau la politesse après ce ravito à rallonge. Nous franchissons malgré tout le pont avec un nouveau boni au classement : 215e et 216e. Le podium se rapproche...

Direction le "Wall", on nous l'a tellement bien vendu que l'on a hâte de le voir. Qu'il se rassure, je ne chercherai pas à en découdre juste l'escalader le moins douloureusement possible...


Avec le monde présent devant, de toutes façons, il n'y a pas moyen d'accélérer. Il suffit juste de suivre le rythme du premier de cordée, pas trop compliqué pour cette fois. Une fois au sommet, et après une courte transition, la pente s'inverse aussi brutalement. Nous voici lancés sur la plus belle portion du parcours. Il est pourtant difficile d'en avoir des souvenirs clairs tant la pente, les virages, le terrain changent constamment et rendent ainsi l'environnement difficilement assimilable.
C'est pourtant au beau milieu de ce dédale que nous faisons enfin la connaissance des fameuses échelles. Deux options nous sont proposées : droit dans la pente ou "la classique". Pour une première et malgré les bouchons, nous choisissons la seconde. On perd du temps mais au moins on essaie de faire de belles photos !

Ce terrain plus sinueux et le peloton plus dense creusent des écarts toujours plus importants entre Gus et moi. J'ai désormais l'impression de tenir en laisse un jeune chiot qui accélère dans les portions amusantes, ralenti dans les portions plus roulantes. Allez, c'est décidé, ma décision est prise, je le libère ! Après avoir parlementé quelques minutes, il accepte de me quitter. Et là, à peine je lâche la laisse qu'il me file entre les pattes... A la vitesse d'un lévrier mais en plus poilu ! Qu'elle est belle cette nature redevenue sauvage !

Il reste une bonne dizaine de kilomètres à couvrir. Je ne cherche désormais plus à me faire violence, juste à profiter de l'endroit... Et des quelques belles difficultés ! Les descentes sont l'occasion de regagner toujours quelques places, les rangs se clairsement. Je fais longuement le yo-yo avec une britannique dont la vitesse de marche en montée me laisse pantois. Je prends des notes pour la suite... Elle parvient à me distancer sur le long faux-plat nous menant au dernier ravitaillement : l'Aquarius. Je m'y arrête plusieurs minutes et profite brièvement du point de vue sur le fameux Tombeau du Géant.


Ces derniers kilomètres seront finalement assez mitigés : des décors toujours aussi plaisants, des passages aussi techniques mais un énorme point noir va venir obscurcir ce final et pas moyen pour moi de l'occulter ! Partout, des dizaines de bouteilles en plastique jonchent le sol ! J'ai beau y réfléchir encore aujourd'hui, je ne me l'explique toujours pas... Comment plusieurs centaines de participants ont pu jeter leurs détritus sans la moindre arrière-pensée ?! Pour avoir fait l'expérience de garder cette fameuse bouteille en main jusqu'à l'arrivée, je n'ai pas eu la sensation de perdre encore un peu plus de temps... Alors à quoi bon ! Dégoûté...

Cette tempête intérieure aura eu au moins de bénéfique le fait d'écarter mon esprit de la fatigue physique... Et c'est donc sans vraiment l'avoir venu venir que la dernière difficulté me fait désormais face : une montée sèche entrecoupée d'épingles nous amenant ensuite par des sentiers plus roulants jusqu'au pied du belvèdère dominant Bouillon. Sur les quelques conseils que nous avions reçus, il en est un que j'avais parfaitement assimilé, je sais désormais qu'il n'y a plus qu'à dévaler un petit kilomètre avant d'entrevoir pour de bon ce château que nous avions quitté il y a un peu plus de 7h.

Je lâche le peu de force qu'il me reste dans cette dernière descente, les cuisses continuent de tenir et me permettent de passer 4 coureurs de manière plus ou moins acrobatique... Quelques marches et voici à nouveau la civilisation. Comme par miracle, les jambes se font légères, la montée du château entrecoupée de plusieurs poses photos me semble quasiment plate (70e chrono tout de même) ! Ca y est, la promenade est terminée. Et si on repartait pour un tour ?!


Notre longue remontée s'est finalement terminée à la 170e place pour Gus en 7h23 et 186e place en 7h31 pour moi... Il va s'en dire que Gus aurait pu viser une place plus proche de la centaine s'il n'avait pas fait sa B-A.


Le débrief : J'en rigole aujourd'hui mais je dirai que sur les 7h30 de courses, 2 ont vraiment été pénibles. La faute a une préparation physique un peu légère sur les derniers mois... J'ai tout de même tenté de rester le plus lucide possible afin de profiter au maximum des paysages qu'il nous a été donné de traverser.

Les + :
- une organisation de très haute qualité à tous les niveaux (rien à redire, je suis fan !) ;
- la beauté des paysages ;
- la difficulté de nombreuses portions ;
- la mentalité wallonne (assurer sans se prendre au sérieux) ;
Les - :
- le ravitaillement Aquarius et ses conséquences...
- une portion roulante un peu trop longue entre le 15 et le 30e km. 

Les 190 photos sont ici.



4 commentaires:

  1. Joli CR d'une épreuve qui me rappelle de nombreux souvenirs.
    A priori le parcours semblait relativement identique à celui de 2012.
    190 photos pas mal, surtout sur un tel parcours où avoir ses 2 mains libres est sacrément utile.
    Encore bravo à vous 2 et à plus

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    1. Salut Phil,
      Il me semble que le parcours était effectivement très proche de 2012.
      Pour ce qui est des photos en course, je suis en train de peaufiner ma technique pour perdre un minimum de temps !
      En tout cas, heureusement que j'avais investi la veille dans une seconde batterie, sinon l'appareil était HS avant même le Wall...

      Un grand bravo pour ta seconde place au Trail de la Lys Romane, ça s'est joué à peu de choses !

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  2. Salut Nico, je ne découvre que maintenant ton récit de la bouillonnante, et quel récit, tu étais inspiré dis-donc !

    Apparemment, tu es tombé sous le charme de la bouillonnante, rien d'étonnant, mais là tu fais concurrence à Phildefer avec tes 190 photos !!!
    ;-)

    Bravo et bonne continuation !

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    1. Salut Christophe,

      J'ai souvent du mal à être clair et concis mais 7h30 de promenade, dans un cadre comme celui-là, valent bien un gros effort d'écriture pour moi et un petit effort de lecture pour les autres !

      En tout cas, vraiment une très très belle épreuve !

      Pour la concurrence à Phildefer, j'ai renoncé depuis bien longtemps à rivaliser sur le plan sportif ! Alors je l'attaque sur son côté touriste (enfin rapide le touriste quand même !)...

      A bientôt sur les chemins !

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